proposée par Marc                  

C’était une toute petite épicerie. Plus petite encore que ça. Tellement petite que le cœur se serre. Logée tout en bas de la rue en pente raide du Bon-Pasteur, dans une courbe, le genre d’endroit où on aurait beau freiner des quatre fers, on ne pourrait pas s’arrêter à temps…, pour en pousser la porte. Si on y entrait, ce devait être par erreur, ou qu’on y connaissait quelqu’un.

J’y avais un ami. Un gros ami. Un ami un peu étrange, aussi massif que l’épicerie tenue par sa mère était minuscule. C’était une vieille petite épicerie, tenue par une vieille petite vieille.

Dans la boutique, il n’y avait presque rien à vendre. Sauf des trucs encombrants, genre sacs de petits bois, de boulets de charbon, ou bien des bouteilles de gaz. Il devait bien y avoir aussi du soda d’une marque lyonnaise : Malba, et de la limonade Ferrand ; du chocolat aussi, puisque l’énorme fils prélevait sa dime à l’heure du goûter, avant de filer d’un air dégagé vers d’autres cieux, laissant sa mère à son déficit, qui devait être chronique, comme une grave maladie.

Ils habitaient, ou plutôt : ils se recroquevillaient, dans une alcôve, au fond de la boutique, creusée dans le flanc de la colline. Ils avaient un nom polonais.

Lui avait choisi de jouer de la contrebasse, celle qu’on appelle une « grand-mère », le plus imposant des instruments, qu’il devait ranger à côté des bouteilles de gaz.

Lui était une crème. Sa vieille petite maman, un abîme de douceur, et de discrétion, petite bougie qui clignote et ne s’éteint jamais. Il avait bien une petite tendance à aimer les trucs bizarres, genre films bien noirs qui ne lui faisaient même pas peur… Mais ils étaient joyeux, tous les deux, dans leur caverne déguisée en épicerie.