proposée par Marc                  

Je la garde en moi, après tout ce temps. Rue de l’Alma et tout autour, la nuit venue, chaque huit décembre. Les hautes façades un peu austères, les persiennes à l’italienne.

Sur le rebord des hautes fenêtres étroites, des mains muettes avaient placé ces petits gobelets opaques, bleus, rouges, ou tout simplement transparents, dans lesquels vacillait de la vie. Personne ne s’était donné le mot. On n’avait pas vu les fenêtres s’ouvrir.

Et même, soi-même, on n’y pensait plus. Et c’était, dans la nuit, une communion silencieuse. Parce qu’elle était plutôt païenne, cela ressemblait à un appel muet, de façade à façade, comme pour s’interpeller et se dire : « nous sommes là ». Une fois dans l’année : « nous sommes là », derrière nos fenêtres aveugles. La ville vivait, battait, battait comme des cils, vibrait au rythme lent des loupiotes dans leurs verres de couleur.

Du haut du Mont Sauvage, on apercevait les immeubles des autres quartiers, et le Rhône, soulignés à l’infini par les innombrables barrettes lumineuses aux fenêtres. Pour le bonheur des enfants, dont le cœur se serrait d’une émotion silencieuse.

En 1643 le sud de la France est touché par la peste : les échevins de Lyon, le prévôt des marchands et les notables firent alors vœu de rendre hommage chaque année à la Vierge si l’épidémie de peste cessait ; comme l’épidémie cessa, le peuple tint sa promesse et rendit hommage à la Vierge, chaque année le 8 septembre. En 1852, une nouvelle statue devait être inaugurée à cette occasion, mais la fête fut reportée au 8 décembre et faillit à nouveau être annulée pour des raisons météorologiques : la population lyonnaise qui avait tant attendu cette cérémonie, d’un geste spontané, illumine ses fenêtres… Coutume reconduite à cette date chaque année. On appelle ces verres épais garnis d’une bougie des « lumignons ».