proposée par Marie-Thérèse                  

J’avais 2 ans, lorsque je suis arrivée rue Ribot. Encore « privative », la rue n’était pas goudronnée. Quelles bonnes parties de boules de neige nous avons pu faire, tous les enfants du quartier, toutes ces années… les enfants des rues Nièpce, Chazière (du 83 au 57) et du Chemin Vert (une seule maison à l’époque, sur une butte, d’une famille nombreuse d’origine espagnole, dont les enfants nous initiaient à cette langue méditerranéenne aux accents chantants) ; l’un d’entre eux, entré au séminaire, a depuis fait son chemin dans les hautes sphères ecclésiastiques. Un petit voisin, à l’angle des rues Chazière/Ribot se joignait à nos batailles épiques, quand sa maman travaillait : c’est aujourd’hui notre député à la Croix-Rousse (salut Alain !). Rue Pernon, il n’y avait pas encore de tours HLM, mais tout un îlot de maisons ouvrières (4 logements jumelés) avec des petits jardins remplis de fleurs et de bons légumes, car chaque famille avait son potager… il n’y avait pas encore de bacs compost, mais dans chaque jardin, un emplacement pour récupérer feuilles mortes, ordures ménagères recyclables, pour enrichir les parcelles cultivables !

On faisait du vélo, rue Chazière et dans tout le quartier, sans risques, car il y avait encore peu de voitures, avant les années 60… et pas encore de grande délinquance ! Le quartier était sûr, de jour comme de nuit. Enfants, nous circulions rue Chazière, à pied ou en vélo, pour aller à l’école près du boulevard, entre les grands murs des propriétés : Fougeras, Ancel, Férier, Gillet (actuel parc public) et celles des congrégations religieuses, où il y avait encore des vaches (2 fermes rue Chazière). Le jeudi, on allait aux patronages : laïc place Flammarion, ou paroissial de la cure, rue Hénon et certains d’entre nous allaient aux deux. Nos mamans fréquentaient la Maison Familiale, rue Pernon, pour la couture et on les rejoignait, après la classe, pour découvrir nos premières BD et dévorer la bibliothèque verte et rose. Il y avait aussi toutes sortes d’activités pour les enfants et les ados, après la classe et pendant les vacances scolaires (centre déjà géré par les Allocations Familiales).

Rue Chazière, on ramassait, selon saisons : des marrons, des pince-nez, etc. et on rencontrait des écureuils, des hérissons, des mulots… et plein d’oiseaux de toutes les couleurs !… les jeudis (sans école) on descendait par les balmes, pour pêcher dans la Saône, ou regarder les riverains circuler en barques, les jours d’inondations des quais. Les balmes étaient notre terrain d’aventures ados : on se glissait entre les murs écroulés des grandes propriétés pour « explorer » (un peu inconsciemment) tous les tunnels gallo-romains, qui débouchent côté Saône, et découvrir les résurgences nombreuses où nous buvions cette bonne eau fraîche, venue de la Dombes.

Dans notre enfance, le laitier de la rue Ferré (angle Pernon) passait tous les jours au petit matin, faire sa tournée, en tricycle, pour remplir de bon lait, les petits bidons, accrochés aux portes des maisons. Une fois par an, le matelassier passait, et s’installait pour la journée dans les jardins, pour refaire un matelas : il re-cardait la laine, pour lui redonner du volume, changeait le crin, si nécessaire, terminait son ouvrage avec des petites boules de coton, sur les coutures et nous avions le soir venu, un matelas moelleux, remis à neuf et sans acariens !….

D’autres souvenirs reviennent, comme la madeleine de Proust, du temps où la Croix-Rousse était un « vrai village » peuplé d’artisans, de commerces de proximité, à la mixité étonnante, et où les enfants d’ouvriers, de migrants, de commerçants, ou de la grande bourgeoisie, se mêlaient joyeusement, dans les écoles (publiques ou confessionnelles), dans les patronages et les mouvements de jeunesse. Il faut dire que nous avions un pasteur exceptionnel, issu de cette matrice des grands prêtres ouvriers : le Père Amblard, qui savait admirablement concilier intérêts de la grande bourgeoisie et intérêts des familles et des plus démunis, n’hésitant pas à mettre la main dans le mortier, pour construire la chapelle paroissiale provisoire, pour ses ouailles (qui servait aussi de salle de réunions), car l’église Ste Élisabeth n’existait pas encore. Ah les messes de minuit de notre enfance, à la mode des 3 messes basses de Daudet ; la chapelle (sorte de hangar) était bondée, cette nuit-là, de croyants comme de parpaillots, tellement c’était « signifiant », et puis tellement drôle, pour les enfants : avec « le garde Suisse Vatican » (un paroissien déguisé et sa hallebarde en carton). Et tout le monde restait jusqu’au bout, car à la fin il y avait « la collation de Noël » : chocolat chaud, tranche de brioche et papillotes (le papa de notre curé : un grand chocolatier lyonnais). Oh, bien sûr, les bourgeois du quartier avaient leur prie-Dieu à leur nom (un peu normal, ils avaient payé les murs et la toiture de la chapelle). Et les grenouilles de bénitiers n’étaient pas plus nombreuses qu’aujourd’hui ! Peut-être moins, le bon pasteur veillait à faire clore les langues de vipères et les crapauds/rainettes, mal intentionnés : ses prêches étaient un vrai plaisir, pour les enfants et pour les grands, bardés d’humour et d’authentiques vérités… J’ai fait ma maternelle à Charles Démia. J’ai poursuivi rue St Bruno, chez les sœurs St Joseph, avec son pensionnat à Caluire (l’Orangerie) pour les élèves/ filles qui venaient des campagnes des Monts du Lyonnais ; j’ai terminé mes études jusqu’au bac, rue Denfert-Rochereau, pensionnat des Religieuses St Joseph de Cluny que dirigeait « une femme exceptionnelle » : Mère Marie Jacques Hauville. Cet établissement sous contrat avec l’Education Nationale, depuis de Gaulle, a fusionné quelques années plus tard, dans les années 70, avec l’école de La Salle, pour devenir un collège/lycée technique.

La « Société Anonyme Coopérative des Habitations Hygiéniques à Bon Marché de l’Espérance du Foyer » réalise plusieurs lotissements sur le plateau de la Croix-Rousse, dont celui des rues Ribot et Niepce en 1919.
(Barre J., La colline de la Croix-Rousse)

La paroisse fondée en mars 1942 suite au développement de la partie ouest du plateau de la Croix-Rousse est attribuée à l’abbé AMBLARD.
Dans un premier temps le culte se déroule dans la chapelle des sœurs de Saint-Charles rue Chazière. Une chapelle provisoire est construite avec des matériaux de récupération sur un terrain acquis à la fin de la guerre auprès des Petites sœurs des pauvres ; bénite par le cardinal GERLIER en mai 1944 elle sera détruite en 1961 pour permettre la réalisation de l’église actuelle inaugurée le 13 octobre 1963.