proposée par Lucien          

De c’temps-là, j’vous parle d’y a septante, par là. Hé oui nous étions ben gones à l’époque, la ville, la Croix-Rousse, c’était pâs cochonné comme de ces jours, pollué qui faut y dire !
Non en c’temps-là y’avait pâs d’auto diesel ou j’sais pâs quoi, parfois, de temps en temps on en voyait ben une ou deux que passait dans not’rue, mais pour dire, y’en avait pas des cuchons comme là maintenant !
Les bruits que nous réveillaient l’matin, c’était les âniers que ramassaient les écquevilles, mes parents disaient qu’avant y z’ avaient des carrioles à chevaux, qui tiraient les tombereaux d’écquevilles, et que c’est pour ça qu’on les appelait les âniers !

Mais en 40 ou 50 c’était déjà plus ça le Doudou Hérriot (l’maire d’l’époque) y avait déjà bien amodernisé la ville !
On avait des camions aques des bennes ousque les aniers vidaient adirectement les écquevilles qu’étaient dans des grandes caisses en fers ou en zing ou tout un chacun pouvait y faire la piotte, c’est qu’on avait pas des z’yper, ça existait même pâs ! Alors quand on pouvait piotter quèque choses au miyeu des ecquevilles on s’privait pâs, pa don !
Pis après qu’on était réveillé par les âniers, y’avait les métiers que s’mettaient en branle, et que j’te bistanclaque plin les z’oreilles, pis dans la rue y’avait tout plin de bruits qu’étaient de d’habitude, le vitrayé , que criait «  Vitraaayer «   ( même qu’y en a que disait que des fois, le vitrayer y glissait la pièce à des gognants, que savaient faire rien de rien , pour qu’y câsse les carreaux, dîtes donc, c’est’y pas de mauvais monde ça?).
Y’avait z’aussi le pâti et l’marchand de peaux d’lapins, Y criaent l’un « HOOOOO paaaattes « et l’aute pOOOOOOOOOO d’lapins. Le pati c’quy achetait c’était les vieilles pattes qu’on avait au fond d’l’alcove, les vieux pantalons tout rapetassés, les devantis que tu mets même plus quand t’es juste entre soi, tant y sont use, pis les z’habits des petits que sont devenus grands, que plus rien leur va ! brefle tout ce tu mets dans les argailles !!
Et le marchand de peau de lapin vous m’direz ? Ben a ces z’époques on avait souvent un bout de jardin vers Montessuy par là, et comme la ravitaillance était pâs de trop bien avantageuse, on gardait des lapins qu’on faisait engrossir dans des clapiers qu’était pas construits par le Tony Garnier ! Alors de moment ou qu’on avait fini le machon aques le lapin, y restait la peau comme de bien s’accorde ! On la détournait et on la bourrait du papier   journable, et quand le marchand passait la peau était bien sèche et on lui vendait.
Y paraît que c’était pour faire des manteaux de vision pôr les dames de la haute, J’ai plus souvenance des prix de c’t’époque mais ça faisait pâs des emille et des cent !

Alors, ces gensses y z’ étaient avec des carrioles à chevaux.
Et pis y avait aussi la limonade Ferrand qui livrait les bistrots avec des carrioles à chevaux, et les chevaux (des fois des ânes) ça fait des crottins, et pour un peu que l’UMDP elle soye dans la rue avec sa pompe pour vider une fosse, croyez bien que ça sentait pas la rose ! 
Fallait y faire attention pasque les tâs de crottins y valait mieux pas marcher dedans !  À l’incontraire d’ojord’hui y valait mieux marcher sur les trottoirs si on voulait pâs marcher dans le bonheur !
Mais la gandouse vous pensez bien c’était ben utile dans les jardins si on voulait que les poireaux y poussent ! On envoyait les gones avec un seau en fer (y’avait pâs de plastic de c’temps) et les gones avec une pelle à charbon y remplissaient les seaux, et le samedi chacun allait à son jardin avec son seau de crottin pour mettre sù les fraises !
Et ça vous faisait de ces récoltes, et les fraises elles étaient ben bonnes, avec un peu de crème du lait (qu’on levait le matin avant de le faire bouillir) c’était à s’en lécher les babines !

Au jour d’ojord’hui ça vous fait bizarre mais à l’époque c’était tout normal !

Mais bon je vais pâs bajafler que ça dure autant que l’marché de Villefranche, faut un’ fin à tout. Alors je vous dis à la revoyure et je vous fais peter la miaille !!