Slam des petites histoires de la Croix-Rousse


« Ballade »

de Cocteau Mot Lotov


 

Le 26 novembre 2014, lors de la rencontre des Conseils de Quartier de Lyon 4e à la MDA,  Cocteau Mot Lotov  déclamait un texte de son cru, inspiré par les anecdotes.

Le 13 décembre 2024, un « remix » du slam clôture le spectacle des petites histoires « Ensemble en décembre » à la MDA.

cocteau mot lotov

Cocteau Mot Lotov (Photo Julie-Cherki)

Selon le LAROUSSE le slam se définit comme une poésie orale, urbaine, déclamée dans un lieu public, sur un rythme scandé. En anglais, le verbe to slam signifie : claquer…

Collectifs de slam lyonnais qui proposent des scènes ouvertes de slam, où chacun peut monter sur scène pour déclamer un texte… (ces soirées slam sont gratuites).

Pour aller plus loin : annuaire des slameurs

Moulin avant…

 

Si la mémoire se perd
La mémoire
Si perd la mémoire
Sans repère dans le noir
la mémoire est fragile
Elle s’échappe et elle file
Il faut la chercher, la dénicher
Et quand on la retrouve, tenir son fil

On se rappelle les guerres
elles sont spectaculaires
et dessinent les frontières
On se rappelle la science
car dans ses expériences
c’est la vérité qui avance
On se rappelle les rois
les hommes d’Etat
car ils font les lois
et tuent à tout va

Oublions tout ça
et entrons dans la petite histoire
Celle qui tisse le quotidien
Celle que font les citoyens
Toutes ces petites histoires d’hier
qui font les grandeurs de demain

Ensemble en décembre
Tous à la Croix-Rousse
Replongeons
dans les odeurs et les sons
de la rue Dumont
Suivons
la tournée du marchand de charbon
tirant sa charrette à bras le long
de l’ancienne voie ferrée de la rue Hénon
Au son du canon
visitons
les boutiques les commerces les ateliers
cordonnier menuisier laitier teinturier
Attrapons
au passage quelques bouteilles
tirées par les chevaux du limonadier
Ferrand
Revoyons De Gaulle serrer la main de l’enfant
sur fond de tunnel au cri perçant
Marchons
des premiers tags sur les murs
aux jardins remplacés par les voitures
Tout bouge
Voguons
comme des marrons
sur une Saône bleue ou rouge
des rejets de teinture
Ici tant d’aventures
Respirons à pleines narines
la vanille de la biscuiterie Vignal
alors que des enfants s’enfoncent dans les entrailles de la colline
ont peur et trouvent ça génial
Entre deux débits de boisson
l’histoire rien ne l’arête
comme dit le poisson
Elle est toujours prête
avec son énergie vitale
à faire Jésus à l’hôpital
Alors rappelons
les 25 pavillons disparus de l’actuelle rue Dangon
Des familles, des jardins, des fruits, des légumes, destruction
A la place grandes tours en béton, les loyers explosions, habitants expulsion
Ecoutons
Les cris du rémouleur qui passe devant l’école
L’accent du concierge alsacien de l’usine Verdol
Découvrons
pourquoi l’arbre de la liberté
n’a jamais été planté
Réentendons ce que pouvait être il y a quelques années la vie de quartier :
« L’été les fenêtres étaient ouvertes
Les musiques, les commentaires des postes de radio
souvent réglés au maximum
Tout le monde en profitait
Et plus tard les tourne-disques
Les disputes éclataient
Les habitants regardaient aux fenêtres
pour se distraire et s’interpeller
On pouvait profiter de la vie de chacun
Les rues étaient très animées
Les soirs d’été les enfants jouaient
au loup, à la marelle, à la cachette…
Petit à petit tout a disparu
Des ateliers fermèrent
Des commerces se transformèrent
La circulation automobile a changé beaucoup de choses
Les enfants ne pouvaient plus jouer dehors
et l’arrivée de la télévision amena chacun à rester chez soi, portes closes… »
À quoi servent les petites histoires ?
Si la mémoire se perd dans le noir
Si on la laisse mourir au fond d’un tiroir
entre mobylette et guitare
nous n’aurons plus d’histoire
à faire entendre, à faire voir
À quoi servent les petites histoires ?
Si la mémoire se perd
c’est comme si l’histoire était atteinte d’Alzheimer
Si on perd la mémoire
alors s’en va le savoir
Si avec le temps va tout s’en va
comme avec le vent tout s’envole
Si on laisse dans l’oubli les souvenirs
le passé s’efface comme un soupir
Si on laisse faire le temps qui passe
Le temps qui casse et tout s’efface
qui saura les moments de grâce
qu’on peut trouver dans ces traces
Si on laisse disparaître
la trace des ancêtres
Si on laisse s’effacer
toutes ces vies du passé
Si on laisse s’évanouir
ce qu’ils ont à nous dire
comment se tourner vers l’avenir ?

Les petites histoires servent à savoir
Comment la piscine Saint-Exupéry a failli
être un abri antiatomique
Maintenant elle est ouverte l’été et on s’y réfugie
pour une pause aquatique
Les petites histoires servent à savoir
Comment un magnolia déraciné
amène à défendre le patrimoine de son quartier
A savoir ce qu’était hier l’étroite rue Chazière
Ce qu’il y avait de neuf à la « traboule 59 »
A se rappeler
1 WC pour 4 appartements
Le crottin de cheval en débordement
Tuberculose, pauvreté
Même les Minguettes
étaient plus nettes

En passant dans ces rues
on rêve de paradis perdu
L’histoire c’est comme les moulins
c’était mieux avant
Parce que moulins… à vent

Les petites histoires c’est comme un étal de maraicher
un dimanche ordinaire au marché :
on trouve toujours ce qu’on vient chercher

Le temps vient se suspendre
Les dents creuses viennent nous surprendre
Toute une histoire qu’on vient nous rendre
En oubliant jamais que la Croix-Rousse n’est pas à vendre

Des petites histoires aux grands travaux
D’un bout de trottoir à tout le territoire
Des petites histoires au grand boulevard
À quoi servent les petites histoires ?
A ce sujet, les urbanistes sont unanimes :
Pour la ville, c’est un aménagement très utile
Elles servent à reboucher les trous de mémoires.